L’« abbé » du Thail remet le couvert. Il est servi.
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L’« abbé » du Thail, qui n’a pas encore donné la preuve de la validité de son ordination, a déjà répondu à mon émission du lundi 25 septembre. Pour l’essentiel, il ne répond pas au cœur de la controverse, sur l’enseignement de l’Eglise concernant l’impossibilité pour un pape de perdre la foi et sur la soumission due au pape, mais il s’arrête sur des détails secondaires.
Il n’appuie son propos sur ces questions d’aucun texte infaillible. Pas plus que dans son ouvrage, ce qui signe la faillite de sa position.
Il ne répond d’ailleurs pas à mon argumentation – puisqu’il ne dit rien sur les textes du Magistère que je lui oppose – et se contente de reprendre la sienne.
Concernant l’invalidité du sacrement de l’ordre, l’« abbé » du Thail ne prend pas la peine d’examiner mon propos et n’a rien d’autre à opposer qu’une citation de l’abbé Laguérie… J’ai réfuté ce dernier à ce sujet dans mon émission du 4 juillet 2022, j’y renvoie le lecteur. Je reviendrai d’ailleurs sur cette question dans un ouvrage ultérieur.
Concernant l’invalidité de la fausse messe Paul VI, l’« abbé » affirme que le caractère narratif des paroles de la consécration n’est pas un motif d’invalidité, alors que le Concile de Florence précise bien que les paroles doivent être dites in personna Christi.
Je précise que l’« abbé » décline ma proposition de débat : « Je ne débattrais que dans un climat de respect mutuel et d’honnêteté intellectuelle, dispositions que je ne perçois pas tellement aujourd’hui chez notre contradicteur. ». Il est exact que je n’ai aucun respect, non pour l’« abbé », dont je ne sais rien de sa personne, mais pour ses erreurs, qui effectivement me font horreur. Charitablement, l’« abbé » du Thail nous fait connaître sa conception du « respect mutuel » en semant son texte de pics et de sarcasmes (« M. Abauzit a séché les cours de français et ne connaît pas la différence entre “ principalement ” et “ notamment ” », etc). Peu importe.
Selon l’« abbé », c’est aussi en raison de mon défaut d’« honnêteté intellectuelle » qu’il repousse ma proposition. Il s’expliquera devant le Bon Dieu de son jugement au for interne. J’affirme simplement pour ma part que je me moque de la façon dont me considèrent mes contradicteurs si le rayonnement de la Vérité est en jeu. Je serais ravi de pouvoir débattre avec Archidiacre, bien qu’il m’ait dénigré à plusieurs reprises. Je n’épargne pas Arnaud Dumouch, pourtant nous débattons ensemble. D’autres font primer leur susceptibilité, c’est leur affaire.
L’« abbé » use contre moi de sarcasmes à plusieurs reprises dans son texte, je n’en fais pas tout un plat.
Voici une réfutation des arguments, souvent sophistiques, de l’« abbé ».
« il prétend ainsi que l’on ne cite aucun texte du magistère : or, page 12, nous citons la lettre apostolique Apostolicae Curae du pape Léon XIII et, page 35, la constitution dogmatique Pastor Aeternus du Bienheureux pape Pie IX, mais il est vrai que, citant un certain nombre d’autres textes dont la Sainte Bible et la Somme théologique de Saint Thomas d’Aquin, ou encore le très classique Dictionnaire de Théologie Catholique, nous n’avons pas éprouvé le besoin physique de citer une encyclique à chaque page, cette brochure n’étant pas faite pour être une bibliographie contenant toutes nos lectures ; »
Effectivement, Aposticae curae est citée… non au sujet des principales problématiques du livre – que sont l’infaillibilité pontificale et la nécessaire soumission au pape pour le salut de son âme – , ce qui était le sens de mon propos, mais pour soutenir la validité de la fausse messe Paul VI, sujet périphérique en l’espèce.
Pastor Aeternus est également à la fin du chapitre consacré… à Savonarole.
Il n’en reste pas moins que toute personne qui lira ce livre observera que le Magistère n’est pas au soutien et au cœur de l’argumentation des auteurs. Si l’« abbé » du Thail ne cite pas le Magistère, c’est tout simplement parce que le Magistère condamne sa position.
« selon lui, nous affirmons que les sédévacantistes s’appuient principalement sur Saint Robert Bellarmin : or nous pouvons lire dans notre texte “ ils s’appuient notamment sur une citation de Saint Robert Bellarmin ”, donc soit M. Abauzit a séché les cours de français et ne connaît pas la différence entre “ principalement ” et “ notamment ”, soit il faut se cotiser pour lui acheter une paire de lunettes »
Par ma remarque, je faisais observer que les auteurs passent sous silence le fait que les « sédévacantistes » se fondent principalement sur le Magistère.
Voici la phrase exacte du livre, que l’abbé du Thail n’a pas cité en entier. Le lecteur constatera comme moi qu’elle ne mentionne aucunement le fait que les catholiques – qualifiés de sédévacantistes par l’« abbé » – s’appuient avant tout sur le Magistère (p.11) :
« “ un pape ne peut pas être hérétique, sinon il n’est pas pape ”, ils s’appuient notamment sur une citation de saint Robert Bellarmin disant cela presque mot pour mot, or Saint Robert Bellarmin, aussi canonisé fut-il, n’est pas infaillible. D’autres théologiens réputés disent l’exact inverse. »
A aucun moment il n’est fait mention que notre position se base sur le Magistère, ce qui était le sens de mon propos et ce que je crois, les auditeurs qui ne sont pas de parti pris ont compris. Le sarcasme de l’abbé du Thail est on ne peut plus mal venu et ma remarque était bien fondée : il ne restitue pas le cœur de notre argumentation.
« il prétend que je ne donne aucune source sur la condamnation du pape Honorius et que je ne développe rien à ce propos, pourtant nous pouvons lire page 11 : “ le pape Honorius Ier, condamné après sa mort par le concile de Constantinople (681, condamnation confirmée deux ans plus tard par le pape Saint Léon II), comme hérétique monothéliste ”, et à la même page en note “ Pour ceux qui, à la suite d’historiens ultramontains peu scrupuleux, nient purement et simplement l’existence de cette condamnation, outre le fait qu’elle fut mentionnée au bréviaire jusqu’au XVIe siècle, on peut citer le fait qu’au IVe concile de Constantinople (869-870), le pape Adrien II, pourtant en pleine polémique contre les Orientaux, reconnaît sans problème ce fait historique. » ; pages 29-30 : “ Le cas le plus net est celui du pape Honorius (625-638). Là encore, jusqu’au XVIe siècle, les faits sont reconnus mais, alors que pour des raisons évidentes ils sont souvent rappelés en Orient, ils sont assez oubliés en Occident. Pour autant, les documents officiels de l’Église, notamment sa liturgie (liber pontificalis), rappellent les faits. De quoi s’agit-il ? De rien moins que la condamnation posthume d’un pape par le IIIe concile de Constantinople, VIe concile œcuménique de l’Église catholique (681) et sa confirmation deux ans plus tard par le pape Saint Léon II (682- 683). Est-il anathème comme hérétique (monothéliste en l’occurrence) ou comme favorisant l’hérésie ? Ce sera là un grand débat qu’il serait trop long d’exposer ici. La réalité de la condamnation sera tout simplement niée par le cardinal Baronius au XVIe siècle, thèse reprise notamment par saint Robert Bellarmin [et Saint Alphonse de Liguori, comme le mentionne M. Abauzit]. Cette défense hasardeuse, aux arguments assez grotesques, sera abandonnée par la suite par la plupart des ultramontains devant les progrès de la recherche historique, ceux-ci recentrant le débat sur la nature exacte de la condamnation. » ; en note de la page 30, nous lisons « Pour plus de détail sur le cas Honorius, voir DTC [Dictionnaire de Théologie Catholique] tome 7, pages 93 à 132. » Nous invitons donc maître Abauzit à se reporter là-dessus aux pages indiquées du DTC, et nous lui conseillons à l’avenir de lire les notes de bas de page s’il cherche des sources, c’est une technique assez connue… »
L’« abbé » du Thail déforme mon propos. Je ne prétends pas qu’il ne donne aucune source, mais qu’il ne développe pas ses arguments. Il semble penser le faire en mentionnant des références qu’ils ne citent même pas et dont on ne peut vérifier le contenu.
Il est dommage que l’« abbé » n’ait pas profité de l’occasion pour nous dire ce qu’il pense des références que je lui ai opposées sur le cas Honorius. Il y a lieu de croire qu’il trouverait « assez grotesques » les arguments du futur Grégoire XVI, de saint Robert Bellarmin, de saint Alphonse de Liguori et de tant d’autres défenseurs de la foi.
Pour clore la question, je renvoie l’« abbé » à ce dossier consacré au cas Honorius :
Il observera la liste impressionnante de théologiens éminents (saints, papes, cardinaux, docteurs de l’Église) qui ont pris la défense de l’orthodoxie d’Honorius. Il observera également les noms des clercs dont les ouvrages attaquant Honorius ont été mis à l’index.
- « d’autres erreurs sont plus anecdotiques, mais révélatrices d’une certaine légèreté : il parle de l’abbé Christophe Héry comme d’un prêtre de la Fraternité Saint-Pie X, or cela fait près de vingt ans qu’il l’a quittée, étant depuis devenu l’un des membres fondateurs de l’Institut du Bon Pasteur ; il prête à Bruno Hirout une expression de l’abbé Héry à propos de Saint Paul contre Saint Pierre, alors que les guillemets signifient bien qu’il s’agit d’une citation ; enfin, il affirme péremptoirement que je suis clerc diocésain, et qu’ainsi mon titre d’abbé est à mettre entre guillemets car ordonné par un évêque issu du nouveau rite, or il existe un peu partout en France des prêtres diocésains ordonnés par des évêques de la lignée de Mgr Lefebvre, si M. Abauzit veut des exemples, nous pouvons facilement lui en donner. »
Mea culpa, la phrase sur le « Magistère de Pierre » n’est pas de Monsieur Hirout, mais de l’abbé Héry. Cette phrase n’en est pas moins aberrante, et Monsieur Hirout l’a reprise à son compte en la citant. Ma « légèreté » n’a donc aucune conséquence et ne trahit pas le fond du propos de Monsieur Hirout. Mon observation conserve tout son sens et sa force.
« Ceci étant dit, venons-en aux arguments de fond. L’erreur fondamentale de maître Abauzit, et la matrice de sa vision erronée, est sa mauvaise compréhension de l’infaillibilité pontificale. […] Comme tous ceux qui ont fait un minimum d’études théologiques le savent, l’infaillibilité pontificale requiert donc des conditions strictes et cumulatives : le pape doit s’exprimer ex cathedra, il doit s’agir d’une définition, d’une doctrine sur la foi ou les mœurs, et avoir l’intention d’obliger tous les fidèles. Si une seule de ces quatre conditions manquent, il ne s’agit pas d’un texte infaillible, ce qui relève d’ailleurs du simple bon sens : quand on donne des conditions à quelque chose, si ces conditions ne sont pas réunies cette chose n’a pas lieu. »
L’ « abbé » du Thail nous ressort la tarte à la crème gallicane du champ restrictif de l’infaillibilité. Les conditions rappelées dans le concile du Vatican ne conduisent nullement à engagement rare et restrictif de l’infaillibilité. Ceci est un mythe lefebvriste réfuté par le Magistère de l’Eglise.
Du haut de ses études théologiques, dont il se vante, l’« abbé » ignore encore que l’infaillibilité de l’enseignement de l’Eglise en communion avec le pape est quotidienne, comme l’a enseigné infailliblement Pie XI dans Mortalium Animos et comme Mgr d’Avanzo, au nom de la députation de la foi, donc de Pie IX, l’avait rappelé aux pères de Vatican I :
« En effet, le magistère de l’Église – lequel, suivant le plan divin, a été établi ici-bas pour que les vérités révélées subsistent perpétuellement intactes et qu’elles soient transmises facilement et sûrement à la connaissance des hommes – s’exerce chaque jour par le Pontife Romain et par les évêques en communion avec lui ; mais en outre, toutes les fois qu’il s’impose de résister plus efficacement aux erreurs et aux attaques des hérétiques ou d’imprimer dans l’esprit des fidèles des vérités expliquées avec plus de clarté et de précision, ce magistère comporte le devoir de procéder opportunément à des définitions en formes et termes solennels.» (Pie XI, Mortalium Animos)
« Il y a donc un double mode d’infaillibilité dans l’Église; le premier est exercé par le magistère ordinaire de l’Église : Allez, enseignez… C’est pourquoi, de même que l’Esprit-Saint, l’esprit de vérité, demeure dans l’Église tous les jours ; de même tous les jours l’Église enseigne les vérités de foi avec l’assistance du Saint-Esprit. Elle enseigne toutes ces choses qui sont soit déjà définies, soit contenues explicitement dans le trésor de la révélation mais non définies, soit enfin qui sont crues implicitement : toutes ces vérités, l’Église les enseigne quotidiennement, tant par le pape principalement que par chacun des évêques adhérant au pape. Tous, et le pape et les évêques sont infaillibles dans ce magistère ordinaire, de l’infaillibilité même de l’Église : ils diffèrent seulement en ceci que les évêques ne sont pas infaillibles par eux-mêmes, mais ont besoin de la communion avec le pape, par qui ils sont confirmés ; le pape, lui, n’a besoin que de l’assistance du Saint-Esprit à lui promise […] Même avec l’existence de ce magistère ordinaire, il arrive parfois soit que les vérités enseignées par ce magistère ordinaire et déjà définies soient combattues par un retour à l’hérésie, soit que des vérités non encore définies, mais tenues implicitement ou explicitement, doivent être définies ; et alors se présente l’occasion d’une définition dogmatique »[1].
Il semblerait que l’« abbé » du Thail ne sache pas ce que signifie ex cathedra et qu’il nie l’infaillibilité quotidienne du Magistère ordinaire de l’Eglise, rappelée maintes fois par le Magistère.
Comme Mgr de Ségur le souligne, dans son ouvrage Le dogme de l’infaillibilité pontificale, qui a reçu un bref de Pie IX, la notion ex cathedra renvoie à l’enseignement officiel pontifical et plus largement de l’Eglise :
« Elle [L’infaillibilité] porte sur tout son enseignement doctrinal et officiel. Tout ce que l’Église nous enseigne sur la foi, sur les mystères, sur la morale, sur ce que DIEU veut de nous, est nécessairement vrai. C’est là ce que la théologie appelle la foi et les mœurs : la foi, c’est-ù-dire l’enseignement qui s’adresse directement à l’esprit et à la croyance ; les mœurs, c’est-à-dire renseignement qui s’adresse directement à la volonté et à la direction pratique de la vie. C’est JÉSUS-CHRIST qui nous enseigne par l’Eglise et dans l’Église ; de telle sorte que l’enseignement officiel de l’Église, quel qu’il soit, est infaillible de l’infaillibilité même de JÉSUS-CHRIST »
Tout ce qu’enseigne doctrinalement et officiellement l’Eglise est infaillible en matière de foi et de mœurs. Si Vatican II est enseigné par l’Eglise, alors c’est infaillible en matière de foi et de mœurs. Mais je rassure le lecteur : Vatican II est l’enseignement d’une secte moderniste, et non de l’Eglise instituée par Jésus-Christ.
« Pastor Aeternus précise par ailleurs, à l’intention des futures erreurs sédévacantistes comme modernistes : “ Car le Saint Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi ” »
Effectivement, et pourtant les faux papes modernistes ne cessent de faire connaître des nouvelles doctrines « infailliblement », ce qui signe leur imposture. Mais l’ « abbé » du Thail ne le relève pas…
« De ce caractère restrictif de l’infaillibilité pontificale… »
Nous venons de voir que le caractère restrictif de l’infaillibilité est totalement étranger à la religion catholique. C’est une invention hérétique des néo-gallicans lefebvristes.
« … découle une autre vérité ignorée de maître Abauzit : les degrés d’autorité du magistère. En effet, notre contradicteur ne cesse de parler du magistère et de citer le moindre bout de texte comme s’il s’agissait d’une sentence infaillible, mais sait-il seulement que l’on distingue le magistère pontifical, le magistère épiscopal et le magistère universel ? Connaît-il la différence entre le magistère infaillible, le magistère authentique et le magistère simple ? Toutes ces nuances sont totalement absentes de son discours et si, contre toute apparence, il les connaît (ce qu’on lui souhaite), il ne tient visiblement pas compte de ces différences et des différents degrés d’assentiment requis. »
Objection grotesque.
Aux dernières nouvelles, les hérésies des faux papes modernistes sont prononcées dans leur « magistère », qui théoriquement, doit donc être cru de foi divine. Montini-Paul VI a lui-même déclaré que Vatican II – et son cortège d’hérésies – relevait du magistère ordinaire, qui est infaillible, en matière de foi et de mœurs.
Ecoutons-le à l’audience générale du 12 janvier 1966 :
« Certains se demandent quelle est l’autorité, la qualification théologique qu’a voulu donner à son enseignement un concile qui a évité de promulguer des définitions dogmatiques solennelles engageant l’infaillibilité du magistère ecclésiastique […] étant donné le caractère pastoral du Concile, il a évité de prononcer d’une manière extraordinaire des dogmes comportant la note d’infaillibilité, mais a muni ses enseignements de l’autorité du magistère ordinaire suprême ; ce magistère ordinaire et manifestement authentique doit être accueilli docilement et sincèrement par tous les fidèles, selon l’esprit du Concile concernant la nature et les buts de chaque document »
C’est donc « infailliblement » que les hérésies de Vatican II ont été enseignées.
De même, il est de foi que les encycliques exigent l’assentiment des fidèles (Humani Generis). Donc les hérésies exprimées dans les « encycliques » conciliaires, exigent l’assentiment…
Par ailleurs, lorsque je cite un texte infaillible, tout ce qui dans ce texte concerne la foi et les mœurs est infaillible. Tel est l’enseignement de l’Eglise. Mais il semblerait que cela n’ait pas été enseigné à l’« abbé » lors de ses fameuses études de théologie.
« Cette absence de nuance explique son embarras devant la citation d’Adrien VI sur le pape hérétique, texte qui, même s’il est réédité sous son pontificat, reste celui d’un théologien privé, qu’il est bien libre de contredire sans avoir besoin de démontrer qu’Adrien VI avait désapprouvé cette réédition, fait étonnant et peu étayé par son obscur auteur du XIXe siècle, dont l’affirmation semble venir bien plus des débats de son époque que de la vérité historique du XVIe siècle ».
L’embarras évoqué par l’« abbé » n’existe que dans son imagination. Il suffit de voir la réplique portée lors de mon émission pour en avoir le cœur net. Je suis d’autant moins embarrassé que Saint Alphonse de Liguori appuie mon propos : Adrien VI, en tant que pape, n’a jamais enseigné qu’un pape pouvait perdre la foi.
« Autre erreur fondamentale de maître Abauzit, sa conception totalement faussée de l’obéissance. »
Il est fascinant de voir que l’« abbé » du Thail qualifie de « faussée » ma « vision » de l’obéissance au pontife romain et à l’Eglise, alors qu’en la matière, je cite le Magistère de l’Eglise. L’« abbé » du Thail exprime donc à nouveau son rejet de plusieurs textes du Magistère de l’Eglise.
« Il s’exclame et s’insurge contre l’affirmation de Bruno Hirout sur la désobéissance permise en certains cas par la doctrine catholique »
L’abbé du Thail peut-il préciser aux lecteurs où l’Eglise a enseigné qu’un catholique pouvait lui désobéir en matière de foi, de mœurs, de discipline et d’actes de gouvernement ?
Une fois encore il apparaît que l’« abbé » du Thail nie un dogme.
« …brandissant contre lui la bulle Unam Sanctam de Boniface VIII qui affirme : “ nous déclarons, disons et définissons qu’il est absolument nécessaire au salut, pour toute créature humaine, d’être soumise au pontife romain. ” Le sieur Abauzit aurait mieux fait de tourner quelques pages et de lire notre petit chapitre sur Savonarole, excommunié par le pape Alexandre VI et dont son lointain successeur Pie XII disait : “ un homme qui aimait passionnément l’Église, qui vénérait le Vicaire du Christ même quand il s’appelait Alexandre VI, auquel il fut sans doute le seul à être véritablement fidèle. ” Oui, vous avez bien lu, le pape Pie XII, dernier pape reconnu comme tel par M. Abauzit et tous ceux de son espèce, affirme d’un prêtre excommunié par un pape, condamné à mort et brûlé sur le bûcher sur son ordre, qu’il fut le seul à lui être véritablement fidèle. »
Je cite bien d’autres textes qu’Unam sanctam, que par ailleurs les auteurs nient.
Si l’on attribue au sens leur mot, à aucun moment Pie XII ne valide ni ne prêche la désobéissance. L’« abbé » fait ici preuve d’aveuglement.
Du reste, quelle est la référence de cette citation ? Est-elle authentique ? Il y a lieu d’en douter, puisque cette allocution non datée de Pie XII n’a été publiée pour la première fois que dans l’Osservatore Romano du 5 novembre 1969. Il s’agit probablement d’une invention moderniste.
Par ailleurs, quid de tous les textes du Magistère que j’oppose sur la question de l’obéissance ? Il n’apparaît que trop que l’« abbé » cherche à mettre sous le tapis les points de foi catholique qui le dérangent.
« Cela s’explique par un concept de droit que maître Abauzit doit bien connaître : la hiérarchie des normes. Le fait de ne pas observer une norme inférieure car elle contredit une norme supérieure pourra avoir l’apparence d’une insoumission et d’une désobéissance, mais au contraire il s’agit de la véritable obéissance, celle dont déjà Sophocle faisait l’apologie dans son Antigone, et qu’évoquaient Saint Pierre et les Apôtres en disant « Il faut plutôt obéir à Dieu qu’aux hommes » (Actes des Apôtres 5, 29). »
Ce n’est pas à une norme inférieure que désobéissent les lefebvristes, mais à ce qu’ils prétendent être l’Eglise, ainsi qu’au prétendu Vicaire du Christ. Peut-on vraiment justifier la désobéissance à l’Eglise et au pape par Sophocole ? Est-cela que l’on a appris à l’« abbé » lors de ses fameuses études de théologie ?
« Notons au passage que cette vérité est illustrée dans la Somme théologique de Saint Thomas d’Aquin par l’exemple de Saint Paul face à Saint Pierre dans l’Épître aux Galates (note1), donc d’une opposition à un pape qui, quoi qu’en dise maître Abauzit, n’était tout de même pas à fleuret moucheté puisque Saint Paul affirme du premier pape “ qu’il était répréhensible ” et “ qu’il ne marchait pas droit selon la vérité de l’Evangile ” (note 2). Saint Paul était-il désobéissant, rebelle, insoumis ? En apparence, oui, et cela était même très osé pour un ancien persécuteur face au chef des Apôtres : et pourtant, comme Savonarole, c’était lui qui était réellement fidèle. »
Comme évoqué dans mon émission, l’« abbé » du Thail se substitue à l’Eglise pour faire une interprétation des Ecritures saintes. A nouveau, je lui oppose que jamais l’Eglise n’a fait de ce passage un fondement pour lui désobéir ou pour désobéir au pape.
Et n’est pas saint Paul qui veut…
« Plus anecdotique mais là encore révélateur est son propos sur Jean XXII : M. Abauzit croit nous apprendre que sa position n’était pas encore condamnable à son époque. Signalons-lui d’abord qu’une fois encore, sa lecture trop hâtive et partielle lui a fait manquer ce propos explicite de notre ouvrage : “ Mentionnons rapidement aussi l’erreur théologique du pape Jean XXII sur la vision béatifique à propos d’un point dogmatique non encore défini mais où il dut se rétracter devant l’opposition soulevée. Son erreur sera par la suite contredite solennellement et traitée comme hérétique : si on ne peut dire qu’il ait été volontairement hérétique, il n’en reste pas moins qu’il s’est trompé gravement sur une question de foi. ” »
Je ne crois rien leur apprendre. J’observe que les auteurs citent le cas de Jean XXII pour soutenir qu’un pape peut perdre la foi.
L’« abbé » du Thail joue ici de sophisme à moins qu’il ne fasse preuve d’aveuglement, puisqu’à la page 11 de son livre, il est écrit : « le pape Jean XXII affirme publiquement une hérésie en 1331, il se rétractera peu avant sa mort ». Il est parfaitement impropre de parler d’hérésie en pareil contexte.
J’insiste : ce passage est censé venir illustrer un long paragraphe dans lequel il est soutenu qu’un pape peut être hérétique. Ma lecture n’a donc pas été aussi « hâtive » que cela… En revanche, la relecture de son propre livre par l’« abbé » l’a peut-être été.
« Ajoutons au passage que, si M. Abauzit avait vécu en 1331, il aurait enseigné d’autorité la position de Jean XXII même si celle-ci contredisait l’enseignement traditionnel commun, sous prétexte qu’il s’agit du pape et d’un point non encore défini de manière définitive, et il aurait dû se rétracter quelques années plus tard ».
Personnellement, je n’ai aucune idée de ce que j’aurais fait en 1331, puisque je n’ai pas vécu les évènements. Mais bon, si l’« abbé » du Thail s’est déjà prononcé ex cathedera…
« Sur la question du pape hérétique, qui est pour M. Abauzit une hérésie niant le dogme de l’infaillibilité pontificale… »
C’est effectivement l’enseignement infaillible de l’Eglise : la foi d’un pape ne peut pas défaillir. Qu’oppose l’« abbé » du Thail aux citations en ce sens que j’ai faites dans mon émission ? Aucun texte du Magistère, comme la suite de son propos nous le confirme.
« …là encore une lecture plus attentive lui aurait permis d’enlever les écailles de ses yeux :“« Au Moyen Age, la possibilité pour un pape de tomber dans l’erreur, voire dans l’hérésie, était envisagée naturellement par les théologiens. Le décret de Gratien (base du corpus de droit canonique), au XIIe siècle, reprend une sentence plus ancienne et attribuée à Saint Boniface de Mayence (mort en 754) envisageant cette possibilité ; de même au siècle suivant pour le pape Innocent III (1198-1216), pourtant grand défenseur de l’autorité pontificale. Ce fait est reconnu par le très ultramontain Dictionnaire de Théologie Catholique (DTC), “ les canonistes des XIIe et XIIIe siècles, connaissent et commentent le texte de Gratien. Tous admettent sans difficulté que le pape peut tomber dans l’hérésie comme dans toute autre faute grave ; ils se préoccupent seulement de rechercher pourquoi et dans quelles conditions il peut, dans ce cas, être jugé par l’Église. ” Cette doctrine se maintient sans contestation jusqu’au XVIe siècle (citons le cardinal Juan de Torquemada au XVe et le cardinal Cajetan au XVIe). Ce n’est qu’à la Renaissance qu’un théologien néerlandais, Albert Pighi (1490-1542), avance pour la première fois l’impossibilité d’un pape hérétique en raison des promesses faites par Notre Seigneur à saint Pierre (Math. 16,18) et il avance comme un fait providentiel confirmant sa thèse qu’aucun pape n’ait été hérétique dans l’Histoire. Si certains grands théologiens ont par la suite soutenu cette thèse (comme saint Robert Bellarmin et Suarez), il faut noter qu’ils ne la considéraient que comme probable et non de foi ; d’autres au contraire la contredirent totalement (comme le dominicain espagnol Melchior Cano), s’appuyant sur la doctrine faisant autorité jusque-là et sur les exemples historiques. […] La question de la possibilité du pape hérétique reste en réalité ouverte et n’a jamais été tranchée solennellement. La position des théologiens médiévaux envisageant cette possibilité restait “ commune ” au XVIIe siècle selon Suarez, “ la plus commune ” au XVIIIe siècle selon Billuart, et continuait d’être défendue au XXe siècle par un théologien de l’envergure du père Garrigou- Lagrange. Le Dictionnaire de Théologie Catholique, dont nous avons déjà évoqué l’ultramontanisme, ne pouvait que reconnaître cet état de fait (voir tome 7 pages 1714 à 1717). Si, personnellement, nous défendons volontiers la thèse des théologiens médiévaux, de Cajetan, Jean de Saint-Thomas, Billuart, Garrigou-Lagrange, etc., nous ne prétendons absolument pas en faire une question de foi, tranchée définitivement, il serait bon que les sédévacantistes en fassent de même. ” »
« Précisons aussi au sujet de l’appartenance à l’Église qui, selon maître Abauzit, rendrait impossible la présence de tant de modernistes à tous les niveaux de la hiérarchie… »
Les modernistes sont des hérétiques, condamnés en tant que tels par l’Eglise. Ils ne sont pas catholiques.
« …le père Garrigou-Lagrange, théologien autrement plus éminent que notre cher avocat sédévacantiste, explique : “ En bref, comme le dit Billuart, le pape est constitué membre de l’Église par sa foi personnelle, qu’il peut perdre, et tête de l’Église visible par la juridiction et le pouvoir qui peuvent coexister avec l’hérésie interne. L’Église apparaîtra toujours visible comme une réunion de membres placés sous une tête visible, à savoir le pontife romain, bien que certains de ceux qui apparaissent être membres de l’Église puissent être des hérétiques intérieurs. Il faut donc conclure que les hérétiques occultes ne sont que des membres apparents de l’Église, qu’ils professent extérieurement et visiblement être la vraie. » (note3)
Que veut dire l’« abbé » par ce texte hors sujet ?
Le père Garrigou-Lagrange est sans doute un théologien bien plus éminent que moi – qui ne suis pas théologien – mais il n’est pas le Magistère de l’Eglise. Il a donc tort lorsqu’il affirme qu’un pape peut perdre la foi, puisque le Magistère enseigne infailliblement le contraire.
Par ailleurs, la hiérarchie moderniste n’est pas constituée d’hérétiques occultes, les hérésies conciliaires sont rendues publiques par le « magistère » officiel des faux papes modernistes. L’« abbé » du Thail a dû manquer quelques épisodes de la série.
Adrien Abauzit, le 27 septembre 2023.
[1] Sacrorum conciliorum, tome 52, société nouvelle d’édition de la collection Mansi (1927), p.763-764. Le lien est consultable sur le site Gallica.