Lecture et tradition : entretien avec Maxence Hecquard

Maxence Hecquard vous publiez un ouvrage intitulé La Crise de l’autorité dans l’Église, les papes de Vatican  II sont-ils légitimes  ? Vous rouvrez un vieux dossier qui a suscité beaucoup de controverses. Lors du concile Vatican  II, l’Église a semblé se déjuger puisque Paul  VI et l’écrasante majorité des évêques y ont enseigné apparemment ce que les papes et les conciles œcuméniques avaient condamné. On pense notamment à la liberté religieuse et à l’œcuménisme. La réformes liturgiques et les spectaculaires «  avancées  » des successeurs de Paul  VI en direction des non-catholiques et notamment de la Synagogue ont été elles aussi perçues comme des ruptures avec la tradition. Depuis l’avènement de François, c’est maintenant la morale matrimoniale qui est en question. Mais pour des catholiques, il y a là quelque chose qui dépasse l’entendement  : comment des papes peuvent-ils rompre avec leurs prédécesseurs et avec la tradition  ? Un pape peut-il oui ou non errer en matière de foi  ?

Maxence Hecquard

Il faut revenir à l’Évangile. Le Christ dit à saint Pierre  : «  Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église  » (Mt 16, 18). Notre-Seigneur a donc voulu, de façon très étonnante, que l’Église repose sur une personne. Il faut vraiment être Dieu pour avoir des idées pareilles  : créer une Église qui reposera sur la fidélité d’un homme, en chair et en os  !
La force de l’Église est donc le pape. Il en est le fondement, pas le sommet. Cela signifie qu’il est la base, les fondations. L’Église repose sur lui. Il lui revient de dire aux chrétiens ce qu’ils doivent croire et les erreurs qu’ils doivent rejeter.
De là, puisque la foi est un instrument nécessaire au salut, le Christ a voulu que le pape ne puisse pas se tromper. Si le pape se trompait, la foi serait viciée, et le salut ne serait plus possible. C’est tout simplement ça.
Donc lorsque Notre-Seigneur nous dit  : «  Sur cette pierre je bâtirai mon Église  », il dit simplement que le pape va être la règle de la foi, que lorsqu’il nous dira de croire à une chose, il dira la vérité. Les chrétiens ont toujours cru cela. Ils ont toujours pensé que cette parole de l’Évangile impliquait l’infaillibilité de Pierre et de ses successeurs. Certes l’infaillibilité pontificale n’a été définie, c’est-à-dire proclamée en tant que dogme, qu’au concile Vatican  I en 1870, mais ce concept théologique était bien présent depuis le début de l’Église.
D’ailleurs, les hérétiques ont toujours attaqué ce dogme. D’abord il y eut les Grecs, qui dans des assauts répétés, par des hérésies renouvelées, ont cherché à ébranler la primauté du Siège de Pierre. Puis vinrent les protestants, qui ont cherché à faire accroire à leurs contemporains que Rome aurait sombré dans le vice et dans l’erreur. Ils expliquèrent que le pape n’était qu’un évêque parmi les autres, alors même que Notre-Seigneur avait marqué une différence profonde, intime, entre Pierre et les autres apôtres. Les protestants prétendaient que l’histoire montrait de nombreux exemples de papes qui auraient erré dans la foi. Toujours afin de secouer la tutelle papale, les gallicans reprirent cette doctrine. Portée par l’éclat de la monarchie française de Louis  XIV, l’Église gallicane cherchait à rabaisser la papauté. Jusqu’à Vatican I les évêques de France, grands opposants à l’infaillibilité pontificale, poursuivirent leur travail de sape. Pie  IX aura bien de la peine à faire rentrer dans le rang Mgr Darboy, archevêque de Paris en 1870, plusieurs mois après la proclamation du dogme.
Enfin, confrontés aux hérésies des papes de Vatican  II et tremblant de les déclarer déchus par crainte d’être déclarés schismatiques, de nombreux prêtres traditionalistes, Mgr Lefebvre lui-même, ont prétendu que le pape peut se tromper dans certains cas.
Mon livre tente d’éclairer cette question.

(L&T) – Mais l’histoire de l’Église montre-t-elle des exemples de papes ayant failli  ?

(MH) - Les protestants citent plusieurs exemples  : Libère, Honorius, Jean  XXII… ils attaquent même saint Pierre, avec l’incident d’Antioche  ! Ils disent  : «  Voyez, en telle occasion, le pape s’est trompé, le pape a eu une doctrine erronée… donc le pape peut se tromper… donc le pape n’est pas infaillible.  » Dans un texte de mars dernier, Mgr Athanasius Schneider, qui assure une certaine liaison entre les traditionalistes et le Vatican, a repris ces arguments.
En réalité, à chaque époque, les historiens catholiques ont répondu à ces critiques. Saint Robert Bellarmin dans ses fameuses Controverses a réduit à néant les arguments protestants. Les éditions Saint-Rémi ont réédité la belle synthèse de l’abbé Benjamin-Marcellin Constant, L’Histoire et l’infaillibilité des papes (1869)  , qui répond en détail à ces mensonges. La vérité est que, si certains n’ont pas été des exemples de vertu, les papes n’ont jamais erré dans leurs enseignements ou leurs préceptes moraux. Ce point est d’ailleurs de foi, puisqu’il a été solennellement rappelé à Vatican  I (Pastor æternus) et par Léon  XIII (Satis cognitum). Pie  IX et Léon  XIII n’ont fait que reprendre l’antique doctrine de saint Hormisdas (†523)  : «  Le siège de saint Pierre est toujours resté pur de toute erreur.  »
Il est navrant de voir des catholiques, surtout attachés à la tradition, colporter ces calomnies. Cette ignorance est coupable.

(L&T) – Mais enfin le pape n’est quand même pas infaillible dans tout ce qu’il fait  !?

(MH) – Bien sûr que non. La doctrine de Vatican  I est extrêmement simple en réalité. Vous savez les formules les plus courtes sont les plus fortes, les plus puissantes, car elles embrassent un large domaine. Vatican  I nous dit  : le pape ne peut pas se tromper, lorsqu’il parle en tant que pape, c’est-à-dire en tant que successeur de Pierre, en matière de foi ou de mœurs – très important  : également en matière de mœurs –. En effet s’il se trompait en matière de foi ou en matière de mœurs, il pourrait amener des fidèles à se tromper et à agir contre la loi de Dieu, et donc à se damner.

(L&T) – Mais Vatican  I parle aussi de définition. Il faut que le pape définisse.

(MH) – Certes, puisqu’il s’agit du pape en tant que pasteur et docteur, en tant qu’il enseigne les fidèles, en tant qu’il les guide, en tant qu’il leur dit ce qu’ils doivent faire. Donc il faut que le pape tranche une question controversée et dise  : «  en telle matière, sur tel point  : voilà ce qu’il faut penser. Dans telle situation, dans tel cas de figure, voilà ce qu’il faut faire.  » Et c’est ce qu’on appelle une définition. Bien sûr, pour que le pape engage son infaillibilité, il faut qu’il définisse quelque chose.

(L&T) – Ne peut-on pas envisager que le pape, même en tant que pape, puisse se fourvoyer, quand il ne prononce pas une définition  ?

(MH) – Effectivement, tous les théologiens l’ont reconnu. Le pape pose beaucoup d’actes qui ne sont pas des définitions en matière de foi et de mœurs. Lorsque le pape nomme l’abbé Dupont évêque dans tel diocèse, sans doute pense-t-il que l’abbé Dupont est un brave homme. Il peut se tromper. Ce n’est pas un dogme. Lorsque le pape se prononce sur des questions de fait qui ne relèvent pas de la foi ou des mœurs, par exemple dans des actes de gouvernement ou sur des questions d’ordre séculier non directement lié à la foi et aux mœurs, il peut se tromper.

(L&T) – Il y a néanmoins des questions de fait sur lesquelles le pape peut se prononcer, y compris sous forme de définition infaillible.

(MH) – C’est vrai. Certains faits ont une incidence directe sur la foi. Par exemple l’authenticité du texte de la Sainte Écriture. Lorsque le pape nous dit  : voici le texte sans erreur de la Sainte Écriture, il faut bien qu’il engage son infaillibilité. Car si l’on se trompait là-dessus, on se tromperait sur le dépôt de la Révélation. Donc l’infaillibilité couvre également ces faits-là.

(L&T) – Mais les papes de Vatican II n’énoncent-ils pas des hérésies  ? Comment expliquer cette situation ?

(MH) – Vous avez malheureusement raison. Le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X l’a reconnu récemment à l’occasion des scandaleuses déclarations de François à Abou Dhabi. Même un Mgr Schneider le reconnaît désormais. C’est nouveau. Je ne reviens pas dans mon ouvrage sur la démonstration des multiples hérésies des pontifes de Vatican II  : ce travail a déjà été fait. Je m’attache à examiner les théories qui expliquent cette terrible situation.
La première correspond à la position de Mgr Marcel Lefebvre et des théologiens de la Fraternité Saint-Pie X. Les papes conciliaires, disent-ils en résumé, n’engagent pas leur infaillibilité dans l’énonciation de leurs hérésies. Plusieurs arguments sont invoqués. Les pères de Vatican  II auraient en quelque sorte renoncé au charisme de l’infaillibilité. Il s’agirait d’un simple concile «  pastoral  » sans aucune définition, donc faillible. Enfin les papes depuis Vatican  II n’auraient rien défini d’hétérodoxe. Les erreurs qu’ils énoncent relèveraient d’un magistère dit «  ordinaire  » qui ne serait infaillible que s’il est conforme à la tradition séculaire de l’Eglise.
Las, ces arguments apparaissent bien mal fondés. Si Vatican  II n’a, de fait, promulgué aucun canon ni fulminé aucune condamnation, il est faux de prétendre qu’il ne contienne aucune définition et que Paul   VI ait renoncé à user de son autorité de successeur de Pierre. Les questions portant sur la constitution de l’Église, comme la collégialité, ou sur les relations avec les autres religions comme l’œcuménisme ou la liberté religieuse, relèvent à l’évidence de la foi et des mœurs, donc du champ de l’infaillibilité. D’ailleurs si Mgr Lefebvre s’est élevé avec tant d’énergie et de courage contre Vatican  II, c’est parce qu’il a senti avec toutes les fibres de son âme que ce concile mettait la foi en danger. Plusieurs constitutions de Vatican  II sont intitulées «  dogmatiques  » et toutes sont promulguées par Paul  VI de la façon la plus solennelle qui soit, avec les formules caractéristiques des déclarations ex cathedra. Ce concile dit «  pastoral  » traite incontestablement de questions de foi et de mœurs.
Affirmer que Vatican II est non infaillible parce qu’il s’est dit «  pastoral  » est une pétition de principe. D’ailleurs le concile lui-même a expliqué qu’il s’est dit «  pastoral  » parce qu’il traite des rapports de l’Église et du monde, mais que cette qualité ne devait pas être opposée aux principes doctrinaux.
Paul  VI enfin a écrit à Mgr Lefebvre qu’il avait engagé son autorité suprême à Vatican  II.
Quant à prétendre que les papes, dans leur enseignement dit «  ordinaire  », c’est-à-dire les encycliques et les diverses allocutions, n’engageraient pas leur infaillibilité, cela contredit la sentence des grands docteurs, des théologiens les plus incontestables et de Pie  XII lui-même.
Rappelons tout d’abord que ni les grands docteurs de la Contre-Réforme, comme saint Robert Bellarmin, ni Pie  IX, ni Vatican  I, ne distinguent dans les enseignements du pape un magistère «  ordinaire  » et un magistère «  extraordinaire  ». Selon eux l’enseignement du pape est unique. Pie  IX explique seulement qu’à côté de l’enseignement pontifical existe l’enseignement ordinaire de l’Église qui est également infaillible.
Ce sont les théologiens postérieurs à Vatican  I qui, dans un souci de classement, ont introduit la distinction entre magistère extraordinaire du pape et magistère ordinaire pontifical. Cette distinction n’est toujours pas stabilisée et varie selon les auteurs. Elle correspond grosso modo à la forme du document utilisé par le Souverain Pontife  : s’il s’agit d’une bulle, d’un décret, d’un canon formulé avec tout un appareil où le pape invoque son autorité de successeur de Pierre, il s’agit clairement de magistère solennel, a fortiori si le document est visé par un concile œcuménique. On parlera alors de magistère «  extraordinaire  ». S’il s’agit d’un document moins solennel, une encyclique, un sermon, une allocution, on parlera plutôt d’enseignement «  ordinaire  ».
Or tous les théologiens conviennent de deux points.
Le premier est qu’aucune formule spéciale n’est obligatoire pour que le pape définisse une question de foi ou de mœurs. Il suffit que son intention soit claire.
Le second est que, quelle que soit la forme et le support d’une définition du Souverain Pontife, elle est couverte par le charisme de l’infaillibilité.
Un texte de Pie  XII accrédite les distinctions des théologiens, notamment entre le magistère extraordinaire et le magistère ordinaire. Dans Humani Generis (1950) en effet, le Pape déclare que les encycliques des Souverains Pontifes font partie de leur enseignement ordinaire. Mais c’est pour aussitôt proclamer que les définitions contenues dans les encycliques sont bien couvertes par le charisme de l’infaillibilité. On ne saurait être plus clair.
Certains théologiens proches de la Fraternité Saint-Pie X vont jusqu’à suggérer que le pape dans son enseignement ordinaire parle comme personne privée et non avec l’autorité du successeur de Pierre. La question est importante puisque le charisme de l’infaillibilité suppose que le pape parle comme Successeur de Pierre et non comme docteur privé. Quand donc le pape parle-t-il comme docteur privé  ? Lorsqu’il parle de théologie au café avec ses amis et, plus généralement, dans le cas très théorique où il donnerait une opinion sur la foi et les mœurs sans engager son autorité (par exemple s’il publiait des travaux théologiques de son cru sans réclamer l’adhésion des fidèles). La plupart des grands théologiens (Pighius, Bellarmin, Billot, Dublanchy, Journet…) pensent que la suave Providence ne permettrait pas que le pape, comme personne privée, sombre dans l’hérésie en raison de la confusion qu’entraînerait cette situation. Mais il est vrai que ce point n’est pas défini.
Il faut donc admettre que théoriquement, lorsqu’il parle comme docteur privé en matière de foi et de mœurs, le pape peut se tromper. Mais cela n’apporte rien à notre débat. En effet comment prétendre que les constitutions de Vatican  II, les réunions œcuméniques de Jean-Paul  II, les encycliques et exhortations de François sont promulguées ou réalisées par ces pontifes en tant que personnes privées, c’est à dire hors du cadre de leurs fonctions  ?
Quant au raisonnement que les papes dans leur magistère ne seraient infaillibles que s’ils sont conformes à la tradition, il apparaît pour le moins curieux. Quand le pape définit, c’est par hypothèse que le point ne l’était pas auparavant. Cette doctrine suppose donc que l’infaillibilité serait engagée en cas de conformité à la tradition, non engagée dans les autres cas. Mais qui serait juge de cette conformité  puisque, auteur des lois, le pape est au-dessus du droit  : «  le Premier Siège n’est jugé par personne  » (canon 1556) ? On aboutirait à une infaillibilité en quelque sorte à éclipses  : le pape serait infaillible quand il ne se trompe pas  ! C’est absurde. Force est de reconnaître que les arguments des théologiens du courant «  Saint-Pie X  » pour sauver la légitimité des pontifes conciliaires ne sont malheureusement pas probants. De plus ils tendent à une position hétérodoxe qui consiste à soumettre le pape au jugement des fidèles.

(L&T) – Mais si l’infaillibilité pontificale est si «  universelle  », comment expliquer que les papes de Vatican  II énoncent des hérésies  ?

(MH) – La seconde opinion explicative de cette situation est celle de théologiens, qui s’inscrivent le plus souvent dans la mouvance «  Ecclesia Dei  », voire franchement conciliaire. Ils considèrent qu’il y a une sorte de malentendu. Ils nient que la doctrine de Vatican II soit en contradiction avec le magistère antérieur de l’Eglise. Il n’y aurait donc aucune hérésie. «  C’est une question d’interprétation  !  », disent-ils. Les difficultés seraient essentiellement liées aux mots, à l’expression. Le magistère de l’Eglise devrait évoluer pour s’adapter à une société qui change, mais dans le fond, nous assure-t-on, rien ne change  ! Telle est la position officielle du Vatican qui a répondu formellement en 1987 aux Dubia de Mgr Lefebvre sur la liberté religieuse (1985). La Congrégation pour la Doctrine de la Foi prétend donc que la liberté religieuse prônée par Vatican II n’est pas celle condamnée par Grégoire XVI et Pie IX. Il ne s’agirait pour Vatican II que de prohiber toute contrainte en matière religieuse, non de donner le droit à l’erreur. C’est là jouer sur les mots. Il est aisé de faire dire ce que l’on veut aux textes. Il est pourtant indéniable que la liberté religieuse prônée à Vatican II ressemble à s’y méprendre à celle rejetée avec vigueur par les papes avant Vatican II. C’est ainsi que le monde entier l’a compris et c’est ce qui compte. «  Que votre oui soit oui, que votre non soit non.  » D’ailleurs les modernistes «  honnêtes  » comme Yves Congar ou Joseph Ratzinger le reconnaissent explicitement  : Vatican II dit l’inverse du magistère antérieur parce qu’il est une tentative d’adapter l’Eglise au monde.
D’autres suggèrent que la doctrine conciliaire se borne à favoriser l’hérésie, ce qui signifierait qu’elle n’est pas formellement hérétique. Ils observent que les «  modernistes  » ne nient jamais la doctrine orthodoxe mais se bornent à tolérer des doctrines nouvelles. «  Ils admettent en pratique ce qu’ils refusent en théorie  » (abbé Gleize). Ils sont essentiellement libéraux. Ce seraient là des questions de philosophie plus que de théologie. La papauté d’aujourd’hui serait malade de la philosophie moderne, ce qui l’excuserait de ses erreurs, mais le dogme lui-même ne serait pas remis en cause. Ce serait ignorer que l’infaillibilité pontificale ne porte pas seulement sur la foi mais aussi sur les mœurs. Lorsque Grégoire  XVI fustige la liberté religieuse, le «  libéralisme  » et la fausse philosophie des Lumières comme menant les chrétiens à leur ruine, c’est certes plus une question de mœurs que de dogme. Les préceptes de Grégoire  XVI n’en sont pas moins formels et stricts. Le rejet de ces préceptes constitue bien une hérésie. Réduire Vatican  II à un simple phénomène «  philosophique  » est réduire la portée de ce terrible évènement seulement pour sauver la légitimité de ses promoteurs. D’ailleurs saint Thomas d’Aquin, à la suite de saint Augustin, qualifie d’hérésie non seulement la négation des vérités révélées, mais encore toute doctrine nouvelle dans l’Église. N’est-ce pas le cas de Vatican II  ?
Soulignons enfin que ces arguties perdent toute force au vue des récentes déclarations de François qui ne craignent pas de remettre en cause les principes les plus établis de la religion catholique.

(L&T) – Plusieurs reconnaissent que les pontifes de Vatican II sont hérétiques, mais ils font valoir qu’un pape hérétique conserve le pontificat jusqu’à ce qu’il soit déposé ou déclaré hérétique par l’Église, après lui avoir fait par deux fois des monitions, selon la parole de saint Paul  : «  Évite un homme hérétique, après une première et une seconde admonition  »  (Tite, III, 10).

(MH). – Pour vous répondre, il faut entrer un peu dans la technique. L’opinion que vous citez était celle de Cajetan (1469-1534) et fut développée plus tard par Jean de Saint-Thomas (1589-1644). Charles Journet, qui fut nommé cardinal pendant le concile Vatican  II où il eut un rôle délétère dans le débat autour de Dignitatis humanae, a ressorti la thèse de Jean de Saint-Thomas, sans doute parce qu’elle suppose un certain pouvoir de l’Église sur le pape, ce qui va dans le sens de la collégialité.
Elle est reprise aujourd’hui par les «  Saint-Pie X  » les plus fermes qui reconnaissent certes l’hérésie des conciliaires mais qui, par fidélité à la position pratique de Mgr Lefebvre, ne veulent pas déclarer le Siège de Pierre vacant. Jean de Saint-Thomas a été traduit et publié par le R.P. Pierre-Marie d’Avrillé.
Cette opinion est également reprise par les «  Ecclesia Dei  », qui se réveillent depuis les scandales de François et sont sous l’influence de la doctrine d’Arnaldo Vidigal Xavier da Silveira via des intellectuels comme Roberto de Mattei. C’est cette dernière mouvance qui est derrière les Dubia présentés par le cardinal Burke et quelques collègues contre l’exhortation apostolique Amoris laetitia de François (19/3/2016). Un colloque sur la déposition du pape a eu lieu en mars 2017 à l’Université Jean Monnet de Sceaux. C’est contre eux que s’est élevé récemment Mgr Athanasius Schneider qui a déclaré que les thèses de la perte du pontificat ipso facto ou de la déposition sont de simples opinions théologiques qui doivent être rejetées car elles sont susceptibles de produire un schisme.
Da Silveira est mort l’an passé. Il appartenait à l’organisation Travail Famille Propriété fondée par Plinio Corrêa de Oliveira, mouvement dont Roberto de Mattei est proche aujourd’hui. Da Silveira était le théologien de Mgr de Castro Mayer, évêque qui accompagna Mgr Lefebvre dans sa rébellion contre Paul  VI. Il publia aux Editions de Chiré en 1975 un ouvrage intitulé L’ordo missae de Paul VI  : qu’en penser  ?. Cet ouvrage fut très rapidement retiré de la vente par son auteur à la demande de Mgr de Castro Mayer, qui avait reçu une instruction en ce sens de Paul  VI via le cardinal Scherrer. Il me semble que ce livre, dont des copies ont circulé, a eu pourtant une grande influence sur les théologiens «  Saint-Pie X  » (et sans doute sur Mgr Lefebvre lui-même) et en a encore aujourd’hui sur les théologiens «  Ecclesia Dei  ».
Da Silveira se range à l’opinion commune selon laquelle l’hérétique manifeste perd sa charge ipso facto mais, par diverses arguties dont je rends compte dans mon livre, il pose les bases d’une théorie selon laquelle un pape (comme personne privée) pourrait énoncer des hérésies sans perdre sa charge.
Les principaux arguments des traditionalistes qui croient encore à la légitimité des papes conciliaires sont dérivés des arguties de Silveira. L’intérêt pour ces théologiens de maintenir la légitimité des «  pontifes  » conciliaires hérétiques est bien sûr de prévenir ce qu’ils redoutent  : le chaos qui pourrait survenir dans l’Église s’il fallait la déclarer sans pape. Ces manœuvres, commandées par la prudence de la chair, créent plus de confusion qu’elles n’en préviennent.
On ne peut plus s’arrêter aujourd’hui à la doctrine de Cajetan et de Jean de Saint-Thomas. Ces auteurs écrivaient au XVIe et XVIIe siècles, c’est-à-dire bien avant la proclamation de l’infaillibilité pontificale. Leur doctrine ne peut, depuis Vatican  I, être appliquée qu’au cas du pape hérétique comme docteur privé, dont nous avons dit qu’il ne correspond pas au cas des papes conciliaires.
Sur le fond leur doctrine est mal fondée. Cajetan, qui prétendait que le pape hérétique doit être déposé, a été longuement réfuté par saint Robert Bellarmin (1542-1621), docteur de l’Église, car personne n’a de pouvoir sur le pape. L’Église n’est jamais supérieure au pape, donc elle ne peut le déposer. Bellarmin explique que le pape hérétique (nous savons depuis Vatican  I qu’il ne peut l’être que comme docteur privé) perd sa charge ipso facto  : tout hérétique manifeste cesse d’être membre de l’Église et il faut être membre pour être la tête.
Jean de Saint-Thomas, qui écrit après saint Robert Bellarmin, tente de ressusciter la doctrine de Cajetan en expliquant qu’il s’agit non d’une déposition mais d’une déclaration parallèle à l’élection. Il fonde, comme vous l’avez dit, la nécessité de cette déclaration sur l’interdiction de saint Paul de fréquenter les hérétiques après deux monitions. Mais cette raison même est erronée. L’hérétique manifeste perd sa charge ipso facto, non en raison de l’interdiction de saint Paul, mais par le droit divin qui veut que seuls les membres, c’est-à-dire ceux qui confessent la foi catholique, puissent avoir une charge dans l’Église. Ce grand principe est d’ailleurs gravé dans le Code de droit canonique (canon 188). Il correspond à la sentence commune des théologiens avant Vatican  II.
D’ailleurs qui donc pourrait envoyer les monitions au pape puisque le «  le Premier Siège n’est jugé par personne  »  ? Les Dubia ne sont pas formellement des monitions.
Paul  IV répond précisément par avance à cette objection puisqu’il déclare solennellement dans sa bulle Cum ex apostolatus (15 février 1559) que l’élection d’un pape qui se révèlerait hérétique «  serait nulle ipso facto et sans qu’il faille faire une déclaration supplémentaire  ». On ne saurait être plus clair.

(L&T) – N’a-t-on pas dit que cette bulle Cum ex apostolatus de Paul IV avait été abrogée  ?

(MH) – Cela a effectivement été dit par l’abbé Bernard Lucien en 1985, repris par les dominicains d’Avrillé et par certains théologiens de la Fraternité Saint-Pie X. Ils prétendent que cette bulle est abrogée car elle n’a pas été reprise explicitement par Code de droit canonique. Il s’agit à mon sens d’une mauvaise lecture de ce code, qui cite pourtant cette bulle à de multiples reprises. Paul  IV a doté cette bulle de toutes les marques de son autorité suprême et déclaré qu’elle serait valable à perpétuité. Ses dispositions relatives au Souverain Pontife n’avaient pas à être reprises en détail par le Code puisque le pape n’est pas soumis à ce code. Enfin la bulle n’a pas un caractère simplement disciplinaire. Elle explique la constitution divine de l’Église qui ne peut être modifiée par aucun code.

(L&T) – Selon vous il n’y a donc rien d’autre à faire que de constater l’hérésie des pontifes conciliaires et de conclure qu’ils ne possèdent pas l’autorité dans l’Église  ?

(MH) – Effectivement. On ne peut guère faire autre chose. Bien évidemment on peut reprendre l’idée de Jean de Saint-Thomas d’une déclaration solennelle des évêques fidèles sur l’hérésie du pseudo-pontife. Une telle déclaration n’impliquerait en aucun cas que les hérétiques eussent gardé juridiction avant qu’elle ait eu lieu. Elle aurait le mérite de clarifier la situation, notamment pour les fidèles. D’ailleurs cette idée n’est pas propre à Jean de Saint-Thomas, elle a été aussi défendue par Billuart et saint Alphonse de Liguori. Il faut aussi que les évêques se concertent pour gérer cette affreuse période d’une Église sans pape.

(L&T) – Vous n’avez pas vraiment répondu à ma question de tout à l’heure. Comment expliquer la situation présente  ? Comment expliquer que les papes de Vatican   II énoncent des hérésies  ?

(MH) – Nous sommes face à une situation apparemment impossible  : les papes depuis Vatican  II, usant théoriquement de leur magistère infaillible, disent l’inverse des énonciations infaillibles de leurs prédécesseurs. Force est de constater que la situation à laquelle nous sommes confrontés n’a pas d’explication «  théologique  ». Elle ne correspond pas à un cas de figure classique. Nous en sommes donc réduits à des conjectures. La seule explication rationnelle est que leur élection a été viciée en quelque manière. Ils apparaissent papes, mais ne le sont pas en réalité. Nous avons vu que le pape Paul  IV avait prévu cette éventualité dans sa bulle Cum ex apostolatus où il explique que l’élection d’un hérétique à la papauté serait illégitime et nulle ipso facto. L’adhésion à une secte a-catholique équivaut à l’hérésie. Tel était l’avis de Mgr Lefebvre lui-même. Nous avons des indices de l’adhésion de Jean  XXIII à la Rosecroix et de Paul VI à une secte maçonnique. Je reprends scrupuleusement ces indices dans mon ouvrage. Ils ne sont pas minces  : nous avons plusieurs témoignages dignes de foi. Mais reconnaissons que nous n’avons pas de preuve formelle. Laissons l’explication de la situation présente à la divine Providence qui ne manquera pas de la donner.
Bornons-nous à admettre dans les larmes que les occupants actuels du Siège de Pierre sont illégitimes. L’Église est aujourd’hui sans pasteur.

(L&T) – Cela signifie-t-il que vous vous rangez parmi les «  sédévacantistes  »  ? Acceptez-vous ce qualificatif  ?

(MH) – Les mots sont importants mais ne constituent pas l’essentiel. Ils sont importants parce qu’ils expriment la pensée. Ils sont secondaires en ce que la seule chose qui compte est la réalité et la vérité. La réalité est que les pontifes de Vatican II ne sont pas légitimes parce qu’ils sont hérétiques. Le Saint-Siège est donc vacant. Si reconnaître cette vérité fait de moi un «  sédévacantiste  », tant pis. Pour ma part, je réclame une seule étiquette  : «  catholique  ». Que celui qui tente de discréditer mes écrits en me traitant avec un œil mauvais de «  sédévacantiste  » se souvienne qu’il devra rendre compte de ses paroles à Celui qui s’est nommé «  La Vérité  ».
D’ailleurs on oublie que cette position fut celle d’un grand nombre, je n’ose dire la plupart, des prêtres d’expérience qui lancèrent le mouvement de résistance à Vatican  II  : l’abbé Coache, le R.P. Barbara, l’abbé Moureaux, l’abbé Delmasure, le R.P. Vinson, l’abbé Schoonbroodt en Belgique, l’abbé Baker en Angleterre et beaucoup d’autres. Le principal auteur du Bref examen critique du novus ordo missae est le R.P. Guérard des Lauriers, qui fut un brillant professeur à l’Université pontificale du Latran : il deviendra l’une des figures du sédévacantisme.
Cette position sédévacantiste est devenue minoritaire chez les traditionalistes après que Mgr Lefebvre eut interdit à ses prêtres de l’afficher et alors même que ces jeunes prêtres «  absorbaient  » une à une les œuvres de la génération précédente. Mgr Lefebvre s’est certainement posé la question de la légitimité des papes conciliaires. L’abbé Bisig, un des fondateurs de la Fraternité Saint-Pierre, a prétendu dans un entretien récent que Mgr Lefebvre était sédévacantiste en secret. Mais Mgr Lefebvre était avant toute chose un bâtisseur et il voulait préserver la Fraternité qu’il avait fondée en considérant qu’elle était une pièce essentielle du retour à la tradition de l’Église. Il a longtemps espéré voir ce retour. Les débats sur la légitimité des papes conciliaires électrisaient Écône et la Fraternité Saint-Pie X. C’est pourquoi Mgr Lefebvre les a prohibés.

(L&T) – Comment sortir de cette situation  ? Les portes de l’enfer ont-elles prévalu  ?

(MH) – En vérité, la situation à laquelle nous sommes confrontés, une Église très abimée et qui serait dirigée par des hérétiques, est insupportable pour des gens qui ont la foi. Cette situation nous rend malades. Les gens se disent  : «  Si nous nous rangeons à l’idée qu’il n’y aurait plus de pape aujourd’hui, n’est-ce pas remettre en cause ce dogme de notre foi que les portes de l’enfer ne prévaudront pas  ?  Le Christ nous aurait menti  ? » Donc ils rejettent cette doctrine et, malheureusement, tombent dans des contradictions  théologiques, canoniques, et des incohérences.
Mais leur raisonnement est erroné. En effet Notre-Seigneur a prévenu que cette crise de l’Église dans laquelle nous sommes plongés arriverait, et avant Notre-Seigneur, les prophètes de l’Ancien Testament avaient prévenu que les saints seraient défaits et dispersés. Saint Paul déclare que l’apostasie sera universelle. Notre-Seigneur dans l’Évangile nous met en garde contre les faux frères et les pseudos-prophètes et Il pose la question avec tristesse  : «  Quand je reviendrai sur la terre, retrouverai-je la foi  ?  » Donc Notre-Seigneur lui-même nous encourage à la vigilance et nous donne des instructions dans son sermon eschatologique (Matthieu 24). «  Quand vous verrez l’abomination de la désolation décrite par le prophète Daniel…  », dit-Il. Il faut donc aller voir ce qu’écrit le prophète Daniel. Ce n’est pas facultatif. C’est une obligation. Nous disons dans le Credo que le Saint Esprit «  a parlé par les prophètes  » (…et locutus est per prophetas). Relisons-les.
Daniel a plusieurs visions sur la fin des temps. Il interprète d’abord le songe de Nabuchodonosor sur la statue dont la tête est d’or, la poitrine d’argent, le ventre et les cuisses d’airain, les jambes de fer et les orteils de fer mêlé d’argile et de semence humaine. Les parties de cette statue symbolisent les âges du monde. Puis il voit quatre bêtes affreuses dont la quatrième fait la guerre aux saints et les vainc. Il voit ensuite le combat du bélier et du bouc, puis le combat du roi du midi et du roi de l’aquilon. Toutes ces prophéties s’achèvent sur la défaite des saints et «  l’abomination de la désolation  », c’est-à-dire l’instauration d’un faux culte dans le temple.
Ces prophéties sont admirablement complétées par celles de saint Jean dans l’Apocalypse.
L’Apocalypse est une prophétie à première vue obscure où les diverses visions sont en quelque sorte «  emboitées  » les unes dans les autres. C’est ce que les exégètes appellent la concatenatio («  enchaînement  ») des visions. On retrouve une concatenatio semblable dans le livre de Daniel.
Mon livre reprend les principaux commentaires des pères de l’Église qui traitent presque toujours l’Apocalypse en même temps que le livre de Daniel. Je me suis également beaucoup servi des textes de cet l’âge d’or de l’exégèse qu’est l’époque carolingienne. Les commentaires de saint Béat de Liébana (correspondant d’Alcuin) et d’Haymon d’Auxerre (ca. 800 - ca. 875) sont particulièrement lumineux. Ils font eux-mêmes une synthèse des pères de l’Église. Je les complète par le Commentaire sur l’Apocalypse de saint Albert le Grand et le Traité sur la venue, l’état et la vie de l’antéchrist de saint Thomas d’Aquin. Tous ces commentaires disent la même chose. L’Église sera confrontée à Satan au travers de l’hérésie. «  Le soleil sera éclipsé et les étoiles tomberont sur la terre  », ce qui signifie que l’Église ne donnera plus sa lumière et que les prélats perdront la foi. «  Le ciel sera roulé  », car la vraie doctrine de l’Église ne pourra plus être lue, elle ne sera plus accessible. Ce sera l’époque des hypocrites, des faux-frères et des pseudo-prophètes, qui symbolisent un clergé acquis à l’hérésie. Ce faux clergé est représenté en images à de multiples endroits de l’Apocalypse. Il prêche une «  religion fausse  » et distribue des sacrements, explique saint Béat au VIIIe siècle. Ce saint exégète déclare d’ailleurs que l’hérésie atteindra le sommet même de l’Église  ! Ces pères et ces savants docteurs expliquent tous les symboles de la Sainte Écriture  : les trompettes, les cavaliers, les bêtes et… la victoire finale du cavalier blanc  !
Ce processus est décrit par saint Paul comme étant le «  mystère d’iniquité  ». Il s’agit, comme l’explique saint Augustin, de l’hérésie qui est d’abord cachée dans l’Église et qui prend force au cours des âges jusqu’à coloniser l’Église elle-même.
Il faut bien avouer que les correspondances de ces prophéties avec notre époque sont frappantes.
Alors, pour répondre à votre question, les portes de l’enfer ont-elles prévalu  ?
Non bien sûr, puisque nous voyons se dérouler sous nos yeux le plan que Dieu a annoncé. Les prophéties servent à rassurer les fidèles lorsqu’arrivent les évènements. Saint Paul nous avertit qu’elles ne doivent pas être méprisées (1 Thess 5, 20). Saint Jean interdit de rien retrancher à l’Apocalypse et il nomme «  bienheureux  » celui qui conservera cette prophétie dans son cœur (Apoc 22, 7).

(L&T) - Mais entre-temps où est l’Église visible  ? C’est une grande objection que l’on fait au sédévacantisme.

(MH) - L’Église est visible là où les fidèles confessent la foi. Aujourd’hui encore il y a de nombreuses conversions… dans l’église conciliaire, chez les traditionalistes, quelle que soit leur tendance, et chez les sédévacantistes. Il y en a partout. Les gens qui cherchent la vérité de bonne foi la trouvent, donc l’Église est visible.

(L&T) - Mais l’Église c’est aussi (et même surtout) une hiérarchie et les sacrements.

(MH) - Il y a encore une hiérarchie puisqu’il y a des prêtres et des évêques, mais vous soulevez un sujet qui est évidemment très difficile et très douloureux  : qui a l’autorité aujourd’hui  ? quels sont les évêques auxquels on doit obéir  ? Nous savons tous que la tradition est très hétérogène. Il y a des évêques, j’allais dire de toutes les couleurs, c’est-à-dire de plusieurs tendances, et de tendances antagonistes, je parle des évêques légitimes  ; pas de ceux qui ont été sacrés dans le nouveau rite. Et pourtant ils ont hérité d’une consécration épiscopale qui leur donne incontestablement une autorité. Mais où est la véritable autorité de l’Église  ? Je ne suis pas capable de le dire. Dans mon livre, je me borne à relever, à recopier en quelque sorte, la doctrine des théologiens orthodoxes, et ensuite à recopier l’interprétation des pères de l’Église sur les prophéties concernant la grande crise de l’Église, et je ne peux pas aller plus loin.
En tant que fidèle, j’appelle les prêtres et les évêques qui veulent rester fidèles au Christ à se mettre d’accord sur ces questions et à trouver des solutions, car nous, fidèles, avons besoin d’une autorité dans l’Église… Il faut mettre un peu d’ordre dans ce désordre. On voit que tout le monde se divise, et malheureusement beaucoup perdent la foi, beaucoup s’éloignent de la pratique de la religion, parce que, face à cette situation si douloureuse, ils préfèrent tout laisser tomber, et d’ailleurs Notre-Seigneur nous a prévenus de cela, et il nous a dit  : «  À cause des élus, cette épreuve sera écourtée  ». C’est à dire  : si on avait mené cette épreuve jusqu’au bout, il ne resterait pas de chair vivante, c’est-à-dire que personne ne pourrait conserver la foi. Notre-Seigneur nous dit  : «  À un moment j’arrêterai cette épreuve  ». Exsurge Domine  !

(L&T) – Sommes-nous donc arrivés à la fin des temps ?

(MH) – Difficile à dire, mais on peut se poser la question. Le catéchisme du concile de Trente donne trois signes à l’arrivée du jugement général  : La prédication de l’Évangile dans toute la terre, l’apostasie générale et l’arrivée de l’antéchrist. Force est de constater que les deux premiers signes sont réalisés. Quant à l’arrivée de l’antéchrist et le jugement, nous ne savons ni le jour ni l’heure. Nous devons suivre les conseils de saint Paul et de saint jean  : «  tenir à ce que nous avons  » (2 Thess 2, 7 et Apoc 2, 25), c’est-à-dire nous accrocher à la tradition de l’Église et rejeter les nouveautés.

(L&T) – Cette situation affreuse explique-t-elle les abominables scandales de mœurs dans l’Eglise ?

(MH) – Évidemment. Si le clergé conciliaire est tombé dans l’hérésie, il n’a plus la grâce qui, seule, pouvait le maintenir dans la pureté de sa consécration. Reste l’hommerie, vautrée dans sa fange.

(L&T) – Comment en sortirons-nous  ?

(MH) – Par un miracle. La Sainte Écriture annonce la victoire de Dieu, mais ne dit pas le «  Comment  ?  ». Elle suggère une intervention directe du Christ. Daniel voit une pierre non détachée de main d’homme qui détruit la statue de Nabuchodonosor. Saint Jean voit l’ange fort qui jette une meule dans la mer qui engloutit les bêtes et Babylone. Saint Paul voit l’antéchrist tué par un «  souffle de la bouche  » de Jésus-Christ… Il est révélé à Daniel que l’Archange saint Michel jouera un grand rôle.

(L&T) – Un dernier message  ?

(MH) – L’Église revit la passion du Christ. Elle semble morte, éclipsée. Loin de nous troubler, la crise actuelle doit renforcer notre foi. Les prophéties se réalisent. Dieu n’abandonne pas le pusillus grex, le petit troupeau. Il aura le dernier mot. Il en tirera une plus grande gloire. Nous devons pratiquer la charité entre nous, car les temps sont difficiles. Nos conversations doivent être patientes et douces. Ne craignons pas la lumière. «  La vérité vous libérera  » (Jo 8, 32)

 

 

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Commander le livre de Maxence HECQUARD, La crise de l’autorité dans l’Église, Pierre-Guillaume de Roux 2019, 320 p., 25 €